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Six sécheresses consécutives suffisent à créer une nouvelle espèce de pinson des Galapagos

On l’a tous appris en classe : l’évolution des espèces est guidée par le temps long. Il va falloir sinon réviser, du moins enrichir notre connaissance : deux chercheurs de l’université du Massachusetts, à Amherst, viennent de montrer, dans la revue Science, que six années peuvent suffire à créer une nouvelle espèce d’oiseaux, pour peu que celles-ci soient accompagnées d’une grande sécheresse. De l’absence d’eau à la transformation des chants nuptiaux, essentiels à l’accouplement, ils ont même montré le mécanisme qui conduit à cette « spéciation écologique ».
Le modèle sur lequel ils ont travaillé n’est pas n’importe lequel : le pinson des Galapagos, connu sous le nom de pinson de Darwin. Cette appellation regroupe en réalité quatorze espèces, que le célèbre naturaliste anglais rapporta pour l’essentiel au Royaume-Uni, lors de son voyage en Amérique du Sud dans les années 1830. C’est en étudiant leurs becs, sur le conseil de son ami ornithologue John Gould, que le savant établit une partie des bases de sa théorie de l’évolution, notamment l’importance de l’isolement géographique dans la formation de nouvelles espèces. Mais comment les pinsons avaient-ils évolué, sous quelle pression ou par quel hasard : l’affaire restait assez floue, en vérité.
Les époux Rosemary et Peter Grant ont repris le flambeau à la fin du XXᵉ siècle. Pendant près de quarante ans, le couple de chercheurs de l’université de Princeton (New Jersey) a suivi les volatiles de l’îlot volcanique de Daphne Major, dans l’archipel des Galapagos. Ils les ont mesurés sous toutes les coutures, bagués, ont prélevé leur sang et étudié leur généalogie. Ils ont ainsi établi que l’arrivée d’un seul individu venu de l’extérieur avait abouti à créer une nouvelle espèce en trois générations. Ils ont encore montré que les périodes de sécheresse obligeaient les oiseaux à manger des graines plus dures, favorisant ainsi les oiseaux à becs plus épais.
Quelle conséquence pouvaient bien entraîner ces variations anatomiques ? Jeffrey Podos, de l’université du Massachusetts, a montré, en 2001, que l’évolution des becs s’accompagnait d’un changement dans la structure des chants nuptiaux. « Quand les becs s’élargissent, les oiseaux ne sont plus capables de les ouvrir et les fermer aussi rapidement lorsqu’ils chantent, ce qui conduit à des mélodies plus simples, des répétitions de notes plus lentes, une bande de fréquence plus réduite », détaille le professeur de biologie.
Une question essentielle restait toutefois sans réponse : ce changement musical influençait-il réellement la capacité des oiseaux à se reconnaître et à s’accoupler ? C’est précisément ce que viennent de démontrer le chercheur américain et sa collègue Katie Schroeder dans l’article publié jeudi 10 octobre. Pour cela, ils n’ont pas étudié les générations passées, mais celles à venir, « des fantômes du futur ».
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